Impression de la plage
Eté, sable, vent, bruit de la mer. Quand le soir s'approche, les grands oiseaux de mer apparaissent, on ne sait pas d'où, et ils crient. Notre corps est bien étiré par la natation, notre peau chauffée par le Soleil. La plage petit à petit se vide, le Soleil qui est bas se reflète dans un étang en donnant une lumière si forte que la voiture qui vient de passer a disparu comme capturée par ce cercle éblouissant.
Les fines branches des arbres, les bras et les jambes disparaissent dans cette luminosité, et les grands oiseaux de mer y plongent aussi pour un instant. Une telle luminosité ne peut être plate, elle est comme de la lave qui déborde de l'image que nous regardons.
Dans une heure, un verre de vin à la main, tu te rappelle peut-être l'un de ces moments quand, après être sorti(e) de la mer, tu t'es allongé(e) sur ta serviette en respirant plus vite et en enfouissant ta tête dans les bras sur lesquels les gouttes d'eau salée ont perlé tout près, si près qu'elles ont été hors de la netteté visuelle, comme des bougies allumées par le Soleil, très haut à cet instant-là. Sur ce morceau de sable entre la terre et la mer, il te semblait que tu étais entre Le Grand Soleil Brûlant et La Grande Gaia Protectrice et Fraîche, entre eux mais tout de même très près d'eux. A la frontière des deux grands éléments qui choyait ton corps tout en chuchotant, les vagues s'échouaient et murmuraient doucement en remuant les sables chauds.
Tous les problèmes et soucis s'envolaient comme s'ils n'avaient jamais existé puisqu'en face de l'immensité de la mer et de la Terre nos soucis sont comme une boîte d'allumettes en face d'une prairie en flamme. Le regard sur une ligne d'horizon infinie, sur le sable doux, sur les contrastes, sur les silhouettes des gens, ce regard procure un plaisir que l'on voudrait répéter sans fin, un plaisir pour lequel il faut vivre. Le regard pur comprend un rapport doux, désintéressé pour l'objet, sans aucune rapacité avec laquelle nous nous sommes habitués à traiter la vie. Nous sentons que nous ne faisons de tort à personne, que nous « sommes » plutôt que nous « possédons ». Notre approche envers le monde change puisque nous remarquont avec un étonnement qu'il est plus amical que nous avons pensé.
Pourtant, le regard n'est pas toujours désintéressé. Il existe de tels regards masculins que des femmes rajustent leurs robes. Avec un tel regard affamé, on peut regarder non pas seulement les gens, les propriétés, les voitures et les autres choses à posséder. On peut être affamé de sensations esthétiques et regarder ainsi de lumières et d'ombres. Et en principe cette façon de regarder n'est pas mauvaise. Mais maintenant, sur la plage nous nous réjouissons du désintéressement de la vue.
Finalement nous avons une envie irrésistible de faire une photo. Cela tue un peu notre sensation du regard désintéressé car en photographiant on vole cet instant au destin - le cours du temps. En tout cas, cette mer brillante, la façon dans les grains de sable se mélangent et cette tache créée par les rochers ont jeté un charme sur nous. Et la ligne d'horizon qui mesure un niveau universel.
Nous commençons à cadrer. Nous sommes obligés de cadrer : choisir et jeter. Le cadre est un mur avec une fenêtre sur quelque chose qui n'est pas une réalité (car la réalité est infinie), mais est une oeuvre d'art sculptée précisément. En face du nombre infini des cadres possibles, notre cadre est un art de la même façon qu'un tableau abstrait l'est, mais nos peintures et nos pinceaux sont : la perspective, la profondeur de champ, les ombres, les lumières... En manœuvrant habilement avec ces outils on peut exprimer chaque idée esthétique ou sensation.
Mariusz Sapiński
Montpellier et Palavas, juin - juillet 2002
(N'oublies pas les droits d'auteur!)
(traduction: Magdalena Sendor et Olivier Renaudin)